Hello tout le monde.
Je repensais ce matin (oui il est 14h du matin et alors) à une discussion que j’avais eu avec des amis Créateurs de Contenu et “Consommateurs” ya quelques temps sur un sujet bien précis autour de l’écriture de Reviews : pourquoi les journalistes testent quasi plus à 100% des jeux ?
En fait la réponse est simple et pas simple, et pour ça il faut revenir 25 ans en arrière, à la fin des années 90.
Pourquoi cette époque précise ? Outre le fait que c’est là que j’ai commencé à jouer et appris à lire (oui en grande partie pour pouvoir squatter la Playstation de mon Oncle qu’il m’a donnée quelques années après quand il s’est acheté la Playstation 2), c’était à cette époque l’Âge d’Or des magazines papiers : Kids Mania (oui c’était un magazine JV, avec ses Astuce Mania), Joystick, PC Magazine, Jeux-Vidéo Magazine (avant son changement d’éditeur), la naissance de Canard PC, et puis la seconde vague avec les magazines “constructeurs” comme Xbox Mag et PS Mag, mais également plus indépendants avec IG Magazine (à jamais dans mon kokoro), ou bien sur internet avec JVC pré Webedia (ouille la douleur), JVN, JeuxVideo.fr et consorts.
À cette époque, les jeux qui sortaient le faisaient plus au moins au compte goutte (comparé à aujourd’hui) vu qu’ils étaient forcément sur support physique, et leurs durées de vie étaient forcément limitée par la capacité du support sur lequel ils étaient imprimés, ce qui permettaient aux Rédacteurs de pouvoir prendre le temps de torcher le jeu à 100% pour pouvoir en écrire une review. À cette époque je me souviens que les jeux étaient même notés sur plusieurs critères (presque) objectifs comme ses graphismes, son OST, son gameplay ou sa durée de vie, on savait pas trop dans quoi on allait, et les rédacteurs non plus, mais ils faisaient de leur mieux à l’époque et prenaient le temps de tout analyser en profondeur de A à Z.
Seulement, avec l’apparition de la dématérialisation et la démocratisation de l’internet Haut Débit à la fin des années 2000, la donne a changée.
On est passé d’une poignée de jeux qui sortaient chaque mois, à des dizaines, puis des centaines, et enfin plus récemment, des milliers de jeux sortent des studios de développement chaque mois, ce qui fait qu’il devient déjà impossible de tous les tester dans les temps, 90% d’entre eux finissant dans l’oubli le plus complet et total, ce qui est déjà un premier souci.
Le second souci, c’est que la dématérialisation casse aussi cette limite physique que nous avions, il y a 30 ans un jeu tenait sur un CD de 720Mo, aujourd’hui le AAA moyen pèse autour de la centaine de Go (petit rappel mathématique, 1Go = 1024Mo) si ce n’est plus.
Et même si les assets pèsent lourd, cela augmente aussi fortement la durée de vie d’un jeu, là où dans les années 90 passer 20h sur un jeu c’était considérer ça comme un jeu avec une grosse durée de vie, aujourd’hui en dessous de la Cinquantaine d’heures c’est un jeu “court à moyen”.
Et donc il n’y a pas besoin de faire un Doctorat en Mathématiques pour savoir que pour un même nombre de rédacteurs (voire plus faible qu’il y a 30 ans puisque depuis ont émergé les Créateurs de Contenu, qui qu’on le veuille ou non sont des “Rivaux” aux Rédacteurs plus “classiques”), il est impossible de tester plus de 200 fois le nombre de jeux qu’à l’époque sur un même laps de temps, jeux qui plus est plus longs et complexes qu’à cette époque.
Il faut faire des choix, donc déjà seule une poignée de jeux seront à tester, et en cette époque qu’est la notre où tout doit être immédiat, il faut que la Review sorte le jour de la sortie du jeu ou dans les jours qui arrivent, le tout sur une version preview du jeu (donc sans El Famoso Patch Day One), avec des délais tellement serrés qu’il est tout bonnement et humainement impossible de finir le jeu à 100% avant la sortie du jeu (donc en plus écrire la Review, vous vous doutez que non c’est pas jouable).
Le tout amenant les Rédacteurs à Crunch tout autant que des Devs pour sortir des Reviews les plus complètes possibles dans des Délais les plus impossibles (le tout en étant payé au lance-pierre sinon c’est pas drôle), ce qui invariablement et malheureusement les amène au Burnout.
Je vous remets ici le témoignage de Pipomantis, ex rédacteur de Canard PC et Gamekult qui m’a bercé de sa plume pendant des années (et de sa voix dans feu Les Démons du MIDI), car je pense que lire le point de vue de quelqu’un qui a été en Rédaction “classique” pendant des années vous permettra de mieux approfondir le sujet que si je vous en écrivais un roman complet, moi qui ai principalement été en indépendant (ok j’ai déjà été dans plusieurs équipes de rédaction mais toujours en bénévole et jamais sans heurts) : https://medium.com/@Pipomantis/il-quitte-la-presse-la-cinqui%C3%A8me-raison-va-vous-surprendre-390229aa45c8
Voici également le témoignage de Netsabes qui m’a tout autant marqué quand celui-ci a fini par quitter la rédaction de Canard PC, lui aussi me manque : https://medium.com/@netsabes/une-annonce-845b542fc5b6
Si vous êtes curieux de lire quelques rédactions des années 90, sachez que Abandonware France a fourni un travail d’archivage de fou pour sauvegarder le patrimoine vidéo-ludique, mais également la presse JV de l’époque, vous n’y trouverez pas tout, mais sachez que Joystick fait partie de ceux dont la mémoire perdurera grâce à eux : https://www.abandonware-france.org/bibliotheque/magazines/liste/?pays=7&tri=apparition